21. Champ de mines : progression

La République des enfants - Sur le champ de mines

La République des enfants – Sur le champ de mines

Nous avons deux jours pour réaliser la séquence 2 du film.

Après avoir quitté l’école en emmenant tous les enfants, quel que soit leur âge, le groupe de soldats et leur colonne d’otages arrivent dans une vaste zone désertique qui s’avère être possiblement un champ de mines.

En tête de colonne s’avance prudemment un des soldats les plus expérimentés, un pas en avant, arrêt, un autre pas, arrêt, à nouveau un pas, arrêt, encore un pas, arrêt, il avance avec une assurance indéfectible, même si chaque pas est une menace de mort.

Derrière lui, dans un ballet parfaitement réglé, chaque membre de la colonne en file indienne suit exactement le même rythme cadencé, en prenant soin de mettre précisément son pas dans la trace de celui qui le précède.

Quand le guide lève le pied droit, c’est toute la colonne qui lève le pied droit, quand il le pose, c’est toute la colonne qui le pose dans la marque précédente, quand il lève le pied gauche…

Cette progression lente et prudente à travers le champ de mines est angoissante, longue, harassante, chacun se tait, un bébé pleure, il n’y de bruit que les pas marqués sur le sable, les gourdes et armes qui s’entrechoquent.

La République des enfants - Champ de mines

La République des enfants – Champ de mines

Nous sommes à quelques dizaines de mètres du décor de mardi, pas très loin des arbres où nous avions filmé le début de la tempête.

Mais là, point d’arbres, point d’ombre, point d’herbe, une immense aire de sable durci par les eaux, quelques endroits sont encore humides, sur son bord des arbustes entourent un étroit chenal vaseux dont l’eau monte au gré de la marée.

Les deux premiers plans filment la colonne dans la traversée de ce ruisselet sur une passerelle de fortune. Un travelling suit en latéral la progression du pont vers le champ de mines. Le pivot de la scène est Fatima qui porte dans son dos un bébé en pleurs.

Un micro caché au sol dans un buisson de l’autre côté du petit pont, un autre à la sortie de celui-ci, et je perche le stéréo en avant de l’axe de la caméra.

La République des enfants – 2 / 1 t2 – micros d’appoint au centre, stéréo MS décodé L&R

Le second plan est fixe, plus serré sur les pieds qui franchissent cette passerelle faite de bouts de bois prêts à céder sous la charge.

La République des enfants – 2 / 2 t1 – stéréo MS décodé L&R

Tout le monde se déplace alors vers le champ de mines. Pendant ce temps-là, Gerhard et Waldemar préparent avec minutie les explosifs pour le lendemain, car bien évidemment, dans l’histoire, les mines finissent par exploser ! Et je ne sais pas si nous avons bien fait de garer notre véhicule juste à côté du leur, une fausse manipulation et il n’y plus personne. Mais pas d’angoisse, au vu de ce qu’ils nous ont déjà démontré, ces types sont excellents et ne prennent aucun risque inutile.

La République des enfants - Gerhard et Waldemar

La République des enfants – Gerhard et Waldemar

En préparant le matériel ce matin, nous avions remarqué avec surprise qu’une des roues de notre roulante Cantar était à plat, nous l’avions regonflé avec une pompe prêtée par Patrick.

À la fin du second plan, le pneu est à nouveau à plat, pas de doute, il s’agit d’une crevaison lente. Voilà qui va handicaper les déplacements de Pierre. Démontage de la roue, la roulante est posée sur une batterie, inspection minutieuse du pneu. Une belle pointe de piquant, souvenir de la veille dans la caserne abandonnée, a percé le pneu que je démonte avec trois cuillères à café pour en extraire la chambre à air. David se charge alors de trouver un réparateur vélo qui puisse nous mettre une rustine. C’est Bob qui s’en va alors vers la ville et qui nous la ramène réparée en fin de matinée.

Pendant ce temps, tout au long de cette matinée, nous allons filmer la progression de la colonne dans le champ de mines. Un long travelling, je crois que les machinos ont sorti tous les rails du camion, a été monté sur un côté, une seconde caméra est placée en hauteur sur une tour de 4 mètres pour un plan large qui englobe toute l’aire de sable.

Pour régler le ballet et le rythme parfait des pas, il n’y a pas d’autre solution que de guider la troupe de la voix et Guilherme, en nostalgique de Fellini, dirige lui-même  ses enfants au mégaphone.

La République des enfants – 2 / 5 t1 – stéréo MS décodé L&R

Nous faisons ainsi plusieurs plans de cette manière, au son inutilisable, avant que nous ne profitions d’un gros plan sur les visages pour pouvoir enregistrer le défilé sans ce mégaphone. Pierre s’occupe de faire le son large avec le stéréo sur pied et deux micros d’appoint, je prends le SX-R4 et le MS Schoeps pour faire un son plus présent sur le martèlement des pieds et les froissements de costumes.

La République des enfants – 2 / 6 t1 – micros d’appoint au centre, stéréo MS décodé L&R

 

La République des enfants – W2 / 6 w1 – stéréo MS décodé L&R

Mais dans cette unique prise, les enfants ne sont plus en rythme et cela ne convient pas au son. Nous refaisons alors la même prise en son seul, sans la caméra, sans le bébé, avec le même dispositif de micros, mais un avion vient en troubler le fond sans compter des gens qui parlent dans le fond.

La République des enfants – 02 / 6 w1 – micros d’appoint au centre, stéréo MS décodé L&R

 

La République des enfants – W2 / 6 w2 – stéréo MS décodé L&R

Il est un peu plus de midi quand nous allons manger sous les tentes de la cantine installées de l’autre côté de la passerelle. L’ombre est agréable après cette longue matinée, il y a des crevettes et de magnifiques pièces de bœuf grillées au barbecue, ça change du riz blanc !

La République des enfants - Savane

La République des enfants – Savane

La République des enfants - Cricket

La République des enfants – Cricket

Ayant mangé comme d’habitude en quelques minutes, je vais faire un tour à travers les hautes herbes des environs où pullulent des criquets aussi longs qu’une main d’adultes.

Lorsqu’ils s’envolent pour fuir sur quelques mètres, certains ont le dessous des ailes rouge, d’autres vert.

J’ai longtemps pris ces bêtes volantes pour des oiseaux style colibri, avant que mon objectif ne puisse en saisir un au sol sur le sable.

Quand nous reprenons le tournage un peu avant deux heures de l’après-midi, nous savons qu’il ne nous restent au maximum que deux heures et demi de soleil pour filmer, pour dire les choses autrement, quand arrive la coupure repas, ce sont les deux tiers de la journée qui ont été faits.

La République des enfants - Abigail et bébé

La République des enfants – Abigail et bébé

Au sein de la colonne, le bébé de Fatima en pleurs énerve tout le monde, dans l’histoire, comme sur le plateau, à part peut-être Abigail qui a vraiment une tendresse particulière pour les jeunes enfants.

Profitant d’un moment d’arrêt de la troupe, Fatima donne une banane à manger à son enfant afin de le calmer.

Mon de Ferro, à l’affut de tout, quitte alors la queue de la colonne et accoure vers elle, indifférent et inconscient du danger des mines qui pourraient exploser là.

Il la tance sévèrement et lui prend la nourriture qui, décrète-il, ne doit être réservée qu’à lui.

C’est donc à cette partie de la séquence que va être consacrée toute l’après-midi.

En utilisant toujours le même travelling qui longe la colonne, la caméra suit latéralement Mon de Ferro courant de sa position de départ jusqu’à celle de la pauvre Fatima.

Il faudra plusieurs prises pour trouver le bon rythme et la bonne place d’arrêt de Hedviges vue la rapidité du mouvement. Le plan n’est pas très large, il faut donc que chacun s’arrête à une place précise et déterminée à l’avance.

La République des enfants – 2 / 8 t4 – perche au centre, stéréo MS décodé L&R

Par bonheur, nous referons cette partie de la séquence en champ et contrechamp, ce qui permettra ainsi de se passer du bébé sur le texte de Mon de Ferro.

La journée se termine là, le temps de ranger et nous rentrons dans la nuit qui tombe.

 
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