Le Film
« La République des enfants »
de Flora Gomes
Tourné en langue anglaise, titre original « The Children’s Republic », titre portugais « A República di Mininus »
Mon de Ferro, à peine 5 ans, se réveille sur les cadavres de ses parents, gisant tous ensanglantés sur le sol de la hutte de paille et de torchis. Un soldat le saisit et l’emmène vers son destin.
Quelques années ont passé.
Un groupe d’enfants soldats, portant treillis et kalachnikov, finit d’achever les derniers adultes d’un village africain de la savane et forcent les enfants survivants à les suivre, dont Fatima, adolescente vigoureuse et déjà femme.
Dans une école au milieu de nulle part, une fois les instituteurs massacrés, les enfants de tous âges sont emmenés de force par ces soldats.
Commence une longue errance, à travers brousse et savane, champs de mines et désert de vent.
Un groupe mené sous la contrainte par un Mon de Ferro tourmenté, adolescent insensible, froid et violent, s’en détache mais au cours d’une bagarre, ce dernier est maitrisé par Fatima qui prend la conduite des cinq jeunes et les mène alors vers la Ville.
Gérard Manset – L’enfant soldat
Conseil des ministres en ville. Dubem, costume blanc d’une grande élégance, cheveux grisonnant, observe la cité de la fenêtre du Palais Présidentiel. Dubem sait et Dubem se tait.
Pendant que les ministres s’invectivent sans s’écouter à pontifier la sempiternelle phraséologie de la langue de bois des gouvernements africains, il va rejoindre, d’un pas lent et digne, sa place à gauche du Président, celle de Conseiller, « the Advisor » celui qui voit en avant.
Feinte ou hasard, ses lunettes tombent sous la table, il s’empresse de s’y glisser pour les récupérer quand arrive hurlant et paniqué un général bardé de médailles décoratives et une secrétaire blanche hystérique. Rocket Attack ! Courage fuyons !
Les vitres explosent quand Dubem se retrouve seul dans l’immense salle.
Nuta, belle jeune fille de 13-14 ans, aime bien Chico, un peu plus jeune, le vendeur de mangues au pied des marches du Palais. Elle ne manque pas une occasion pour aller le titiller, aussi ce jour-là choisit-elle mal son moment pour apporter à la Présidence quelques vêtements cousus par sa grand-mère afin de pouvoir payer les médicaments nécessaires à la maladie chronique de sa mère.
Dubem, quasiment aveugle sans ses lunettes écrasées par quelques pieds de ministres, erre dans les couloirs du Palais, chassé de porte en porte par la violence des explosions.
Le voilà enfin précipité dans un sombre cagibi qui puisse servir de refuge, où quelque rare lumière perce à travers le vasistas. Entre les détonations incessantes, il perçoit les gémissements craintifs de Nuta, réfugiée en petite fille apeurée dans un coin de la pièce.
Rassurant, stoïque mais pragmatique, le vieux sage, qui en a vu d’autres, conforte la jeune fille, celle-ci découvre au fond d’un tiroir une paire de lunettes désuette, et lorsque Dubem les chausse, mensonge, fable ou réalité ? il y entrevoit le futur qu’il dévoile à demi-mot à Nuta inquiète. « I have no future » rétorque-t-elle.
Le calme étant revenu, l’adulte et l’enfant sortent du Palais sur la grande place, d’abord déserte, puis peu à peu envahie de myriades d’enfants.
Nuta guide Dubem mal-voyant parmi les débris, mais n’est-ce pas Dubem qui, avec un dernier regard sur le passé, guide la fragile Nuta sur la voie du futur ?
Fin du prologue, la véritable histoire du film commence réellement à ce moment-là.
En contrepoint de la longue itinérance vers la Ville du groupe des cinq enfants soldats, devenus beaucoup trop tôt adultes, hantés des démons qu’ils devront chasser, en mal de rédemption et d’intégration dans cette nouvelle République des Enfants, ceux qui l’ont créée et qui agissent et gèrent la ville comme de vrais adultes, alors qu’ils constatent ne plus grandir, prennent conscience qu’il n’y a de futur pour l’enfant qu’en grandissant et devenant adulte.
Cette République des Enfants, qui, à mon sens, n’existe que dans la fable de Dubem à Nuta, au fond du cagibi – qui a jamais vu des lunettes permettant de voir le futur ? – n’est-elle pas une allégorie d’une jeunesse africaine devant se prendre en main, espoir de la construction démocratique du continent, sans pour autant que soit fait table rase du passé ?
Notes
La chanson « L’enfant soldat » de Gérard Manset est reproduite ici au titre de la citation. Cette chanson ne fait pas partie du film, et c’est bien dommage. Achetez l’album « Obok » sur Amazon ou la Fnac.
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