Ultima vezes

Maputo - Panorama

Maputo – Panorama

« Encore une dernière », que ne l’a-t-on entendu sur le plateau, à refaire incessamment les prises !

C’est donc notre ultime journée à Maputo, Mozambique. Il est fort probable que je n’y revienne jamais.

Le temps est magnifique, un soleil brillant et lumineux, quelques nuages pour une lumière contrastée, une chaleur agréable.

Je pars faire un dernier tour dans le quartier autour du marché central dont je commence par parcourir les allées aux senteurs contrastées, fortes et prenantes, qui évoquent la chaleur de l’Afrique.

Lorsque nous tournions le carnaval dans Rua Bagamoyo, Bob m’avait indiqué, assez précisément mais neuf jours après ses indications me sont devenues vagues, une échoppe où je pourrai trouver de belles casquettes aux couleurs du Mozambique ou de l’Afrique du Sud.

Me voilà donc à tourner en rond entre Karl Marx et Guerra Popular, dans ces rues et avenues envahies par les vendeurs de trottoir. Il faut se frayer un chemin entre les marchandises étalées à même le sol, les vendeurs à la sauvette et la foule à la recherche des bonnes affaires. Je me demande si ce marché parallèle n’est pas entretenu par les boutiques elles-même, une façon d’écouler un stock, essentiellement de provenance chinoise, de façon moins onéreuse.

Après avoir longuement parcouru ce quadrilatère entre Josina Machel au Nord, 25 de Setembro au Sud, Guerra Popular à l’Ouest et Karl Marx à l’Est, et être entré dans toutes ces sombres mais fraiches boutiques à fouiller du regard des empilements en tout genre, je finis enfin par dénicher l’endroit évoqué par  Bob, une minuscule échoppe tenue par un couple de Chinois.

À l’intérieur, dans une vitrine au fouillis inextricable, j’aperçois sous une pile de casquettes plutôt banales celle que je recherchais, en tissu noir avec sur la visière un ballon de foot en perspective ovale aux couleurs de l’Afrique du Sud , noir, vert, jaune, rouge, bleu. Tant qu’à faire, j’achète le maillot de l’équipe de foot sud-africaine, estampillé Adidas s’il vous plaît, moi qui ne suis pas footeux pour un sous, et un véritable vuvuzela de plastique jaune made in China, tout cela pour une poignée de meticais et un pied de nez aux pitoyables bleus.

Un peu plus loin, je repasse dans la rue aux chaussures et craque pour une paire de Converse blanches à 350 meticais (8 euros), je n’y décèle aucune différence avec celles que je porte aux pieds achetées en France pour 60 euros, à part une odeur de caoutchouc un peu plus forte.

Il ne me reste plus un kopeck, un metical voulais-je dire, si, quelques dernières pièces qui iront aux enfants que je rencontrerai probablement sur le chemin du retour à l’hôtel. Demain matin, je laisserai dans la chambre toute la nourriture qui reste dans les placards et le réfrigérateur ainsi qu’une enveloppe pour les deux femmes de chambre du 8ème étage du Rovuma.

Je monte au dernier étage chez Pierre aller embrasser une dernière fois la vue magnifique qu’il a pu admirer tous les jours des fenêtres de sa suite.

 

Pour les Portugais, c’est le grand soir, leur équipe est opposée en huitième de finale à celle de l’Espagne. A l’image de l’Algérie qui supporte l’équipe de foot française, on se demande bien pourquoi, elle est si nulle, c’est tout le Mozambique qui vibre pour son ancien exploiteur. Sans parler des Portugais qui ont repris petit à petit possession des richesses du pays par d’autres moyens plus subtils.

Nous donnons mission à Luisa, notre taxi privé, de trouver un restaurant calme, sans télévision, où l’on puisse profiter d’un dernier repas agréable. Mano, notre directrice de production, a réuni l’ensemble de l’équipe française qui se réduit à elle-même, Dominique, Pierre et moi. Après une tentative dans un restaurant thaï qui se trouve être fermé, nous tentons le Sagres sur Costa do Sol, lui aussi fermé. Idem pour son voisin le Miramar. Dépités nous nous rabattons sur le Clube Naval, pensant qu’un lieu aussi sélect ne s’abaisserait pas à cette gabegie footballistique.

Quelle horreur, lorsque nous arrivons dans la salle, celle-ci est bondée de la nouvelle et de l’ancienne colonie portugaise, à croire qu’ils se sont tous donnés rendez-vous ici, une foison de maillots rouges et verts et pire que tout, des gamins abrutis qui ne cessent de braire dans leurs vuvuzelas. Nous ne pouvons plus faire demi-tour, résignés, nous trouvons une table à l’écart. Un cauchemar sonore que la gentillesse du vieux monsieur qui parle avec délicatesse un français précieux ne suffira pas à adoucir.

Tout juste arrivons-nous à changer de table pour aller dans la salle fermée, à côté du fumoir, où seul un petit écran tv, dont le son a été coupé, attire le regard de temps en temps pour suivre le score. Intérieurement nous sommes quatre dans ce restaurant à espérer une défaite du Portugal, je me demande pourquoi, c’est je l’avoue bien mesquin.

La discussion est animée entre Dominique, Mano et Pierre, le vin sud-africain faisant son effet probablement, c’est le temps des conclusions et des dernières pensées sur le film et son tournage, ses péripéties et ses ratés, c’est le temps des désillusions et des jugements catégoriques.

Quel dommage que Flora ne soit pas là, jamais nous n’avons pu dîner avec lui en petit comité au cours de ce séjour. J’aurais bien aimé connaître son sentiment exact, même si je le subodore, sur la façon dont son film a été produit, sur ses rapports avec son équipe, ses appréciations du travail des uns et des autres. Mais Flora est un homme mystérieux, caché, un roc  imposant, silencieux, un peu comme la statue d’Eduardo Mondlane autour de laquelle nous avons tourné et tourné dimanche.

La fin du match arrive, tout à coup, les Espagnols, pas forcément meilleurs que les Portugais, paresseux, sans invention, stériles, marquent le but de la victoire. Silence d’outre tombe dans le restaurant, un petit sourire éclaire nos visages, discret de peur de se voir lyncher, enfin allons-nous pouvoir finir ce repas dans la contemplation des dernières brillances de l’Océan Indien.

La nuit sourit d’une Lune blanche quasiment parfaite, il fait presque froid en ce début d’hiver, demain soir ce sera déjà l’été.

 
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