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Racket

Il est des lieux dans Maputo, le dimanche matin, qu’il vaut mieux éviter lorsque vous avez trop l’air d’un touriste !

Au Mozambique, il est interdit de photographier les immeubles administratifs, la police, l’armée, bref tout ce qui touche à l’État. Le Mozambique n’est pas un pays riche, ses fonctionnaires doivent être peu rémunérés, aussi sont-ils heureux d’avoir un travail, quand on voit le chômage endémique de ce pays, aggravé par le fait que la plupart des Mozambicains qui travaillaient au temps de l’apartheid en Afrique du Sud ont été renvoyés dans leur pays d’origine.

1. Premier jour

Lever 4h45. Petit déj. 5h15, départ hôtel 5h40 !

La nuit a été un peu agitée, habituel à la veille d’un premier jour, même après plus de 100 films tournés.

L’hôtel a gentiment accepter d’ouvrir la salle de restaurant dès 5h00 du matin, pendant toute la période du tournage, avec un cuisinier, un chef de salle et un serveur. Cela nous permet de pouvoir profiter d’un véritable repas complet, un point capital vue l’amplitude de travail proche de 12h00, et un repas  à la cantine pas avant 12-13h00.

Nous quittons l’hôtel à 5h40 pour être à 5h45 dans le camion caméra stationné en toute sécurité dans le parking privé du Centre Culturel. Bob est bien sûr à son poste, le moteur tourne.

2. Effets spéciaux

Quand les effets spéciaux débarquent sur un plateau, on imagine souvent que ce sera une journée tranquille pour le son ! Entre les ventilateurs, la fumée, l’agitation des techniciens SFX, il n’est guère possible de faire un son propre. Par ailleurs les mises en place sont interminables, la matinée risque d’être longue… et poussiéreuse.

Ce matin, tournage dans le parc du jardin botanique de Maputo, derrière le Centre Culturel, à 250 mètres de ma chambre d’hôtel. Il me faut néanmoins aller récupérer notre nouveau « Van Som » au parking du CCFM, et le descendre jusqu’à l’entrée du parc. Par prudence, je suis au plus près le « Van Imagem » de Bob, on ne sait jamais, même sur 100 mètres, un policier obtus est capable de vous créer les pires ennuis. Comme hier, long palabre avec la régie pour savoir où se garer. Il n’y a pourtant pas 36 000 emplacements ?

Le sable chaud

Macaneta - La plage

Macaneta – La plage

Antonio, que nous présente Ana, Tohi pour les amis, est correspondant à Maputo de l’agence de presse portugaise Lusa.

Dans sa Jeep, nous partons à cinq, Ana, Teresa, Pierre et moi-même, quel dommage que cette Jeep soit si petite que nous aurions pu être accompagnés de la craquante Abigail, à quelques 40 km du centre ville en direction de  Macaneta, un lieu de villégiature célèbre pour ses plages et ses bungalows sur l’Océan Indien.

Direction l’EN2 puis l’EN1 qui remonte au Nord en direction de Marracuene où nous devons prendre le bac pour franchir l’imposant fleuve Nkomati.

A peine sommes nous engagés sur 25 de Setembro, en bas de Karl Marx, que nous voilà arrêtés par un flic de la circulation.

Sous prétexte d’avoir circulé sur la file de présélection pour tourner à droite, alors qu’il allait tout droit, Tohi se voit confisquer son permis qu’il pourra récupérer dans un poste de police contre la modique somme de 1000 meticais (23 euros) un peu plus du salaire mensuel moyen au Mozambique. Comme quoi, vivre dans le pays depuis longtemps n’empêche pas de se faire racketter.

34. Deux poids, deux mesures

La République des enfants - Mains dans les poches

La République des enfants – Mains dans les poches

Les jours se suivent et ne se ressemblent vraiment pas. Hier, le grand air, la savane, le soleil malgré un vent frais, le calme de la campagne. Les vacances en quelque sorte.

Aujourd’hui, la grisaille, le béton, la saleté, le froid hivernal, le bruit.

Nous voilà à nouveau dans un de ces décors incompréhensibles auxquels les repérages nous ont si bien habitués, surtout depuis Infulene. Il ne faut pas chercher à comprendre, ne cesse de répéter Pierre, mais comprendre pourquoi nous sommes là, c’est aussi comprendre le mode de fonctionnement des personnes qui choisissent les lieux.

Cela peut influencer les rapports que nous entretenons avec eux, permettre de mieux saisir leurs points de vue, s’accorder avec leur façon de penser et de travailler. Vous me direz, après six semaines de tournage, c’est un peu tard ! Et vous auriez raison, nous n’avons plus grand chose à attendre.

35. Le grand carnaval

La République des enfants - Flora

La République des enfants – Flora

Nous n’allons pas très loin ce matin, au croisement de Rua do Bagamoyo et de Rua da Mesquita, dans le bas quartier portugais que nous avions visité plusieurs fois. Il est six heures trente.

À peine avons-nous tourné à droite en bas de Samora Machel pour s’engager sur 25 de Setembro que deux flics en costume blanc, donc de la circulation, nous arrêtent. Exactement là où nous nous étions faits alpaguer avec Antonio lors de notre première sortie à la plage.

Décidément il faut absolument éviter cette partie de l’avenue, voilà pourquoi Bob préfère effectuer un détour en passant plus bas le long du port.

Passeport, permis français non valable ici, c’est mal engagé, c’est soit mille meticais qui s’envolent, soit le poste.

40. Indépendance Nationale

Maputo - Vive l'Indépendance Nationale

Maputo – Vive l’Indépendance Nationale

Je ne sais pas si c’est par défi, inconscience, aveuglement, irrespect ou mépris que la production portugaise a décidé de tourner le jour du 35ème Anniversaire de l’Indépendance Nationale de son ancienne colonie, le Mozambique.

Cette nuit fut celle qui précède la tempête car nous avons été prévenus qu’il y aura de la musique et des festivités jusqu’à l’aube de la suivante.

Officiellement, le son est convoqué ce matin à dix heures. La veille Angela nous a spécifié que les premiers plans seront muets car tournés sur la plage avec un quad, si bien qu’elle nous a gentiment accordé grasse matinée jusqu’à midi.

À neuf heures du matin, je suis appelé en urgence par Yardena car la voiture, toujours stationnée Rua da Radio alors que les camions sont déjà partis, doit quitter les lieux. Elle me conseille de la garer sur le parking du Rovuma et elle me laisse là à me débrouiller tout seul avec les milliers de flics qui bouclent le quartier.

41. A luta continua

La République des enfants - Hommage à Flora

La République des enfants – Hommage à Flora

Au lendemain de cette nuit de liesse populaire, les visages de l’équipe logeant au Rovuma semblent bien défaits. Il y a ceux qui n’ont pas dormi du tout, Flora particulièrement, ceux que le bruit ne dérange pas mais qui ont mal dormi, ceux qui ont sommeiller dans leur salle de bain comme Patrick et moi-même, et enfin il y a les bienheureux accros au Stillnox.

Lorsque nous quittons l’hôtel à sept heures ce matin, la place de l’Indépendance est déserte, jonchée de détritus. La sono s’est enfin tue, les tribunes font grises mines avec leurs tubulures rouillées. Tout cela paraît triste comme une gueule de bois.

Avant dernier jour de tournage, nous sommes de retour au centre ville, sur Praça dos Trabalhadores (place de Travailleurs) face à la gare centrale. Plus exactement avons-nous rendez-vous sur celle-ci car le tournage doit avoir lieu un peu plus loin dans une rue parallèle à Bagamoyo, Rua Consiglieri Pedroso.

42. That’s a wrap

La République des enfants - Flora, Pierre, João, Abigail

La République des enfants – Flora, Pierre, João, Abigail

Dernier jour de tournage.

Après une bonne nuit de repos, enfin, nous nous retrouvons tous un peu après six heures du matin devant la caserne des pompiers de Maputo, sur Avenida Eduardo Mondlane, face au cimetière. Ce parking servira de base de départ pour les plans que nous avons à tourner sur la benne d’un camion de chantier.

Car dans la République des Enfants, il n’y a pas de voiture mais il y a deux camions ! Le rouge que nous avions vu lors du carnaval et qui servait de tribune, et ce bleu-là muni d’un haut parleur qui sert de véhicule d’alerte.

Ce second camion est une antiquité comparé à l’autre, la benne est en partie rouillée, il y a encore du sable dans les recoins, la carrosserie brinqueballe de tous côtés, le moteur est en piteux état avec une boîte de vitesses défectueuse qui ne dépasse pas la seconde.

Cela a son importance car nous avons à filmer sur cette benne un courte scène de texte.

Epilogue

Aux dernières nouvelles, Dominique a repris le montage image trois mois après la fin du tournage, en France. Flora Gomes serait à Paris pour y assister. Espérons que le montage son s’y fera aussi afin que nous puissions participer à celui-ci et nous assurer de la collaboration de monteur son et de mixeur que nous connaissons.

Il m’aura fallu nettement plus de temps pour écrire et mettre en page ce journal que de temps effectif de travail sur le plateau. Bien que daté des jours de tournage réels, il a été rédigé avec deux mois de décalage, de début août à fin septembre, certains souvenirs se sont depuis estompés, des faits marquants ont été volontairement occultés. Plus qu’un récit sur le tournage d’un film, ce journal décrit le travail du son sur un plateau de cinéma, c’est un point de vue tout à fait subjectif d’un perchman.