Rangement
Ce dernier lundi à Maputo est consacré au rangement du matériel. Les camions doivent en effet reprendre la route de l’Afrique du Sud dès demain matin.
L’équipe image, caméra, électricité, machinerie, que nous n’avions pas vue hier à la fête de fin de tournage, João, Silene, Inês, Manuel, Paulo, s’occupe de son matériel avec ses assistants mozambicains sur les trottoirs de la cathédrale, là où les camions se sont garés pour la nuit.
Pour notre part, bien que la production n’ait plus ses bureaux au Centre Culturel, nous profitons une dernière fois de la cour privée du CCFM dans laquelle nous avions laissé, pendant toute la durée du tournage, nos deux malles Zargal en aluminium et nos cinq cantines Pierre Henry en fer.
Avec les quelques pluies tropicales qu’elles ont essuyées, la rouille a commencé à attaquer les plus vieilles. Un peu d’eau au fond de certaines me fait regretter de ne pas avoir jeté sur la pile des malles une bâche qui les eût protégées quelque peu.
À l’œuvre dès dix heures du matin, sous l’œil attentif du même gardien que nous avons croisé tous les jours en rentrant de tournage, nous répartissons l’ensemble de nos valises au sol en prenant soin d’éviter les déjections de poules qui jonchent la cour.
Puis chaque équipement est vérifié, comptabilisé, nettoyé à la lingette et au papier essuie-tout pour être réparti et rangé tel qu’il l’avait été lors du voyage aller. La roulante, les perches et pieds sont démontés intégralement et les parties métalliques sont passées au WD-40. La poussière de latérite, le sable, la saleté sont partout incrustés, dans les moindres recoins, même dans le Cantar, exigeant un travail méticuleux pour en arriver à bout. Un compresseur à air aurait été bienvenu.
Si quelques nuages obscurcissent le ciel, il y aura même quelques rares gouttes, le soleil tape dans cet endroit où l’air ne circule pas, certes beaucoup moins qu’il y a sept semaines lorsque nous avions préparé notre équipement sous la canicule, le samedi après notre arrivée. Entre la fin d’automne où nous sommes arrivés et ce début d’hiver, la température a bien chuté de dix degrés en journée et de quinze degrés la nuit.
Lorsque nous étions à attendre devant la Gare Centrale samedi matin, Chissano avait apporté le sac de perches confectionné sur mesure d’après mon rapide croquis, en remplacement de celui perdu par la régie. Cousu avec soin dans un fort tissu blanc cassé par le maître tailleur de la Casa Paris sur 24 de Julho, il fera parfaitement l’affaire, à ceci prêt qu’il est beaucoup plus grand que prévu ! Qu’importe, il permettra en le pliant en quatre de bien protéger les étuis des perches et les pieds.
Vers trois heures de l’après-midi, alors que nous n’avons même pas eu le temps de prendre quelques instants pour une pause casse-croute, Yardena, impatiente, nous appelle pour savoir si nous sommes prêts à amener notre matériel jusqu’aux camions. D’une part, nous ne sommes pas prêts, une bonne heure me semble encore nécessaire, d’autre part, il est hors de question que nous nous occupions de la manipulation des malles qui pèsent chacune entre quarante et cinquante kilos !
Une heure plus tard, après quelques difficultés pour retrouver le parfait agencement de l’aller, nous aurions dû le prendre en photo, tout est en malle, chacune d’elle est étiquetée, sécurisée, verrouillée.
Yardena au volant du minibus caméra, Chissano et Domingos, le chauffeur du minibus H.M.C (habillage, maquillage, coiffure, c’est ainsi que l’on désigne le staff beauté sur un plateau), arrivent pour le transbordement des malles jusqu’aux camions à une centaine de mètres de là. Je suis fourbu, le dos en compote d’avoir travaillé baissé au sol toute la journée, je laisse à la régie le soin de charger les cantines, quelle pêche et quelle vigueur elle a cette Yardena !
Nous rejoignons le groupe avec la Toyota Noah dont je remets les clefs à David après une dernière inspection pour s’assurer que rien n’y a été oublié. J’ai adoré cette voiture, son confort, la douceur de sa conduite, le moteur puissant mais silencieux, l’espace qui nous a permis un rangement vraiment optimisé et fonctionnel. Curieux que ce modèle ne soit pas importé en France.
Nous aurions dû en rester là mais les choses ne sont jamais simples avec la régie. Domingos a mal saisi les consignes et quelques unes de nos malles sont parties aux bureaux de production à l’autre bout de la ville !
Alors que la nuit est déjà tombée, nous voilà donc à attendre comme des idiots au pied de la cathédrale le temps qu’il revienne. Cela permet de faire nos derniers adieux à Ernest, Camal, David qui partiront demain à l’aube. Deux chauffeurs pour chaque camion, c’est que Cape Town est à plus de 1300 kilomètres par la route, nos huit colis seront déposés à Johannesburg auprès du transitaire. Nous chargeons Camal du contrôle de cette livraison à Johannesburg et demandons à la régie d’être prévenus à chacune des étapes de son transport, passage de la douane à la frontière, arrivée à Johannesburg, prise en charge par le transitaire, chargement dans l’avion, arrivée à Roissy, livraison chez DC Audiovisuel.
Un peu après dix-huit heures, c’en est définitivement terminé de ce film, le matériel est dans les camions, ceux-ci sont verrouillés. Les vacances commencent.
Pierre et moi avons rendez-vous ce soir pour aller dîner avec Antonio, le correspondant photographe de l’agence de presse portugaise Lusa. C’est avec lui que nous étions allé à la plage de Macaneta, nous l’avons vu plusieurs fois sur le plateau, c’est encore lui qui nous a changé nos derniers meticais contre des euros plus trébuchants.
Ana, qui s’était éclipsée hier en toute discrétion de la fête de fin de tournage, a décliné l’invitation, nous ne la reverrons donc pas, car elle reprend l’avion demain matin avant l’aube, alors que nous ne partons que mercredi. C’est dommage, j’ai adoré travailler avec elle, c’est vraiment une scripte que j’apprécie, j’aimais écouter ses avis toujours censés, ses prises de position sur le plateau, sa discrétion malgré une présence et une attention de tous les instants, je suis certain que Flora s’est beaucoup reposé sur elle pour la cohérence et le suivi de l’histoire, j’aimais bien sa douceur et le charme de son accent, j’aurais voulu lui dire au revoir, autrement.
Tohi nous emmène donc au restaurant Costa do Sol sur Costa do Sol, en face du restaurant de plage de Samuel où nous avions fêté son anniversaire, un peu avant le début de la piste menant aux plages et à Chiango.
Nous sommes assis là sur cette terrasse au calme olympien, il n’y a quasiment personne, l’air est frais, la Lune vient de se lever, l’Océan Indien est magnifique de reflets et de couleurs violacées, quelle plénitude. Et pour ne rien gâcher, Antonio, en fin connaisseur, a choisi des mets exquis et originaux, c’est à regretter de ne pas être venus ici auparavant. Sympathique et agréable soirée. Chic type.