31. Confrontation et départ
Si la semaine dernière nous avons tant compté les jours dans ce décor insupportable de l’hôpital psychiatrique de Infulene, c’est que nous avions vraiment l’impression de faire du téléfilm dans un décor unique avec des scènes guère captivantes au rythme d’un long métrage qui se permet des heures d’attente interminable pas vraiment justifiées.
Compte tenu que plusieurs scènes ont été biffées du plan de travail, il nous reste à tourner ici en deux jours une unique mais longue séquence extérieure dans une cour de l’hôpital.
Celle-ci aurait bien pu être tournée n’importe où, dans un endroit calme, loin de toute circulation et en particulier de cette route EN1, car d’hôpital nous ne voyons que des murs où un panneau hospital vient rappeler que nous sommes toujours dans ce décor.
Mais voilà, on l’aura compris depuis longtemps, certains n’ont que faire du son du film et ne se rendent guère compte qu’il sera difficile de post-synchroniser des enfants, particulièrement avec un budget de post-production extrêmement réduit si ce n’est inexistant.
Nous n’étions pas venus pour cela mais nous en avons pris notre parti. A trop attendre d’un film, on est toujours déçu. Sur un plateau, les vrais bonheurs sont ceux que l’on n’attend pas particulièrement .
Sur ce terrain vague coincé entre deux murs, un carré d’une quinzaine de mètres de côté, la déco a tracé un large cercle avec un grand H en son centre, pour simuler une piste d’hélicoptère. Sur le toit du vestibule d’entrée, un manchon à air que le vent peine à gonfler vient compléter le tableau. Comme la République des Enfants n’a bien sûr pas d’hélicoptère, une sculpture métallique, que nous avions vue dans le cour du Centre Culturel Franco-Mozambicain, composée d’un assemblage d’armes rouillées en tout genre, kalachnikov, fusils, grenades, roquettes, d’ailleurs fort réussie, affirme l’aspect symbolique du lieu.
D’un côté, arrive Fatima tenue par la main par le petit Baifaz suivis d’un groupe d’enfants. De l’autre, Mon de Ferro sort du vestibule, nargue et charrie Fatima sur son penchant maternel. Celle-ci lui saute au cou et prend vite le dessus. Surgit alors Nuta, Mon de Ferro se relève et saisit un scalpel dans une poche de la blouse de Nuta, le lui place sur la gorge en menaçant Fatima. Baifaz vient s’accrocher au pantalon de Mon de Ferro qui relâche son attention ce qui permet à Nuta de se libérer. Un groupe d’enfants se jettent alors sur Fatima, un autre sur Mon de Ferro. Les deux belliqueux sont maitrisés.
Voilà résumées les deux premières pages de cette séquence, que nous allons filmer en six plans tout au long de cette première journée, d’abord en caméra à l’épaule.
La République des enfants – 52 / 3 t7 – perche seule au centre
En l’absence de cascadeur pour régler le bataille, et malgré les consignes, d’ailleurs pas toujours concordantes, de Angela, Guilherme et João, les places des acteurs sont particulièrement imprécises et rarement raccord d’un plan à un autre. Quand il s’agira de passer sur le travelling ou en plan fixe, cela deviendra critique obligeant à de nombreuses prises. Et il faudra toute la science des raccords de Ana pour que tout cela soit montable, en particulier sur les axes de regard.
C’est le dernier jour de Guilherme, le film ayant commencé avec quatre semaines de retard, d’autres engagements l’attendent ailleurs. Il nous quitte donc en plein milieu de cette séquence où le jeu des enfants est crucial. En fin d’après midi, lui, Flora, Angela et João vont répéter la suite de la scène à tourner demain, nous assistons de loin à cette mise en place.
Sur le chemin du retour, une tempête de sable se lève, alors que le soleil est loin d’être couché, l’atmosphère s’est obscurcie, le vent fait plier les palmiers et se courber les hommes, de fortes bourrasques secouent les voitures qui roulent tous phares allumés.
Plus que un jour.