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Quand les effets spéciaux débarquent sur un plateau, on imagine souvent que ce sera une journée tranquille pour le son ! Entre les ventilateurs, la fumée, l’agitation des techniciens SFX, il n’est guère possible de faire un son propre. Par ailleurs les mises en place sont interminables, la matinée risque d’être longue… et poussiéreuse.
Ce matin, tournage dans le parc du jardin botanique de Maputo, derrière le Centre Culturel, à 250 mètres de ma chambre d’hôtel. Il me faut néanmoins aller récupérer notre nouveau « Van Som » au parking du CCFM, et le descendre jusqu’à l’entrée du parc. Par prudence, je suis au plus près le « Van Imagem » de Bob, on ne sait jamais, même sur 100 mètres, un policier obtus est capable de vous créer les pires ennuis. Comme hier, long palabre avec la régie pour savoir où se garer. Il n’y a pourtant pas 36 000 emplacements ?
La République des enfants – Siège du Palais Présidentiel
Profitant du week-end, « La République des enfants » a envahi l’Hôtel de Ville de Maputo pendant 4 jours. Pour pouvoir bénéficier au maximum d’une ville calme et déserte, contrainte imposée par le scénario, la production a organisé la semaine du mardi au dimanche. Avoir le lundi comme jour de congé n’est d’ailleurs pas une mauvaise idée, les commerces sont ouverts, la ville animée.
Cette nuit, les véhicules de tournage, y compris le minibus caméra et notre véhicule, avec tous leurs matériels de valeur, sont restés devant le Palais, gardés par deux solides gaillards en treillis gris, fusil à pompe avec munition de chasse à l’éléphant engagée dans le canon. J’ai toujours une appréhension en passant à coté de ces gars, sympathiques au demeurant, qui donnent parfois un coup de main à porter des caisses, mais un coup de fusil est si vite parti !
Il nous faut pas plus de cinq minutes, vers 6h00 du matin, pour passer du petit déjeuner au lieu de tournage. Il fait encore frais à cette heure-ci, un peu d’humidité couvre les vitres.
Pour monter le matériel jusqu’au décor, les deux roulantes, les pieds et perches, le stéréo, la valise du kit-cool, Jorge et Suleimane, l’assistant personnel de Flora, tous deux guinéens, nous donnent un coup de mains.
De toute façon, nous avons le temps, car il faut d’abord éclairer le décor.
La République des enfants – Conseils des Ministres adultes
Bien que le matériel soit déjà en grande partie sur place, et la lumière somme toute à peine différente de la veille, un peu moins forte du dehors, un peu plus vive à la face, ce n’est pas avant 10h00 que nous tournons le premier plan de la journée alors que nous étions sur place dès 6h00 du matin. C’est long, très long, très très long, trop long !
Le Conseil des Ministres des adultes, au début du film, est le pendant de celui des enfants (ou l’inverse plus exactement).
Ici, la langue de bois est reine, les ministres s’invectivent, chacun défendant son propre intérêt, personne ne prête attention à Dubem, indifférent à toute cette agitation, et qui observe la ville par la fenêtre.
Le plan commence donc serré sur Dubem songeur, et lorsqu’il décroche de ses pensées pour rejoindre sa place, à gauche du Président, la caméra recule pour englober en plan très large la vaste salle du Conseil.
La République des enfants – Désolation
Sixième et dernier jour de la semaine, nous sommes dimanche. Quand nous rejoignons le décor, ce matin à 6h00, la place de l’Indépendance est déserte, et pour cause, la régie avait dès 5h30 interdit les accès à celle-ci, en bloquant chaque rue et avenue y accédant au carrefour précédant. La déco doit en effet aménager la place pour les plans de l’après-midi.
Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si l’on avait fermé la place de la Concorde, interdit l’accès au pont du même nom, fermé les Champs Élysée à partir de Clémenceau, bloqué la rue Royale vers la Madeleine, et la rue de Rivoli à Saint Florentin.
Toutes proportions gardées parce que Maputo n’est d’abord pas aussi grande que Paris, mais surtout parce que Maputo est organisée sur un plan milésien (dit aussi hippodamien), un quadrillage de rues et d’avenues se coupant à angle droit, comme à Manhattan.
Il y a toujours un moyen de trouver une parallèle à l’itinéraire que vous auriez voulu prendre, il n’y a pas de points de passage obligés, comme dans la malcommode organisation parisienne, en étoile et cercles concentriques, dit plan radioconcentrique, où dès qu’un point névralgique est fermé, Étoile, Concorde, Châtelet, République, Bastille, Nation, on ne peut plus circuler.
C’est bien sûr mon caractère cartésien qui me fait préférer Maputo, New-York ou encore la Baixa Pombalina de Lisbonne à Paris.
Mais auparavant terminons donc la journée d’hier ! Car aujourd’hui nous allons faire du cinéma !
Maputo – EN2
Ça va mieux, la nuit a été bénéfique, les bactéries sont parties.
Nous quittons le Centre Culturel vers huit heures, direction l’Ouest, pour le décor de l’entrepôt, un lieu important du film où les enfants de la République construisent les véhicules qui serviront à leur carnaval. Nous y irons plusieurs fois tout au long du tournage.
Nous passons en bas du bidon-ville d’hier, sur Avenida Organizaçao des Nacoes Unidas, au bout de Avenida 25 de Setembro. Bob, en fin connaisseur, fait un léger détour par le bas, le long du port, pour éviter les flics qu’il sait être souvent au début de 25 Septembre, et délaisse 24 Juillet toujours embouteillée.
Bien qu’en pleine heure de pointe, nous sommes assez rapidement sur le décor, quelques deux kilomètres plus loin que la veille.
Maputo – Hôpital Central
Rendez-vous ce matin à l’Hôpital Central de Maputo, en plein centre ville. Il suffit de rejoindre 24 de Julho, continuer pour aller vers l’Est sur Avenida Eduardo Mondlane, une très large avenue à 2×2 voies et double contre-allées, faire le tour par Salvador Allende et franchir la monumentale entrée sur Agostinho Neto. Un petit quart d’heure et nous sommes vers 7h00 au pied de bâtiments certes un peu vieillis, mais dignes de n’importe quel hôpital français.
Le matériel est assez rapidement sorti de la voiture, nous devons monter au troisième étage, l’étage du bloc opératoire. Heureusement il y a deux ascenseurs.
La machinerie et l’électricité ont déjà monté leurs affaires, la caméra est en cours dans l’un d’eux. Nous prenons celui de gauche. Les deux roulantes, les deux perches sur leur pied, le stéréo, le kit-cool, les sièges, voilà tout rentre dans la cabine, nous compris, nous n’avons rien oublié, il n’est pas question d’avoir à redescendre dans la précipitation.
La République des enfants – Danny et Ana
Dimanche matin, 6h00, la ville est déserte. Nous partons seuls du Centre Culturel, le camion caméra étant resté pour la nuit sur le décor de l’hôpital. Pas d’itinéraire sur la feuille de service, nous reprenons le même trajet, enfin nous le croyons. Au moment de quitter Mondlane pour atteindre l’entrée de l’hôpital, nous nous trompons de rue. Nous voilà perdus !
Heureusement Pierre a toujours sur lui le plan remis par la régie le jour de notre arrivée. Pas très détaillé, nous tournons plusieurs fois en rond avant de tomber sur l’arrière de l’hôpital, puis son entrée. Comme nous sommes toujours convoqués très en avance, pas d’inquiétude.
Pas besoin d’emprunter les ascenseurs, le décor est au rez-de-chaussée dans la salle des archives de l’hôpital. La décoration y a aménagé un cagibi, un espace exigu de 3 mètres sur 3, entouré de grilles, encombré de vieux meubles, de papiers qui traînent, l’atmosphère est sordide, sombre et nous allons y rester toute la journée.
La République des enfants – A l’aube
Comme mardi dernier, nous voilà de retour en direction de Costa do Sol. Bob est parti un quart d’heure plus tôt, si bien que nous prenons la route seuls, le trajet est connu, Samora Machel, 25 de Setembro, Marginal le long de la côte.
Au début de celle-ci, il y deux endroits délicats pour qui n’est pas habitué à rouler à gauche, deux embranchements en fourchette, avec 4 directions imbriquées possibles, deux en sens inverses, deux dans le bon sens. Se tromper implique, dans le meilleur des cas de remonter vers le centre ville, dans les autres cas de se retrouver face à face avec d’autres véhicules. Heureusement, Pierre, veille et m’indique la bonne file.
Notez que les indications de sens de circulation sont faux sur Google Map, avec leur hégémonie western-centrique, ils ont oublié que le Mozambique roulait à gauche.
Pas d’itinéraire sur la feuille de service, Yardena nous a simplement indiqué que le décor est plus loin que la plage de la semaine dernière, il faut continuer la piste, une personne de la régie sera à l’entrée du premier village que nous allons croiser pour nous indiquer le chemin.
Mozambique – Aldeia Impaputo
Guidé par notre poisson-pilote Bob, nous quittons le CCFM à 6h00 pour une longue route, il est prévu 1h30 de trajet sur la feuille de service. Nous traversons toute la ville vers l’Ouest, empruntons l’EN2, passons un péage et bientôt nous nous retrouvons en pleine campagne.
Nous traversons prudemment Boane, une petite ville envahie par des centaines d’élèves, tous en uniforme bleu sombre à chemise blanche, qui rejoignent à pieds le lycée, puis nous bifurquons sur l’EN5, une route bordée par quelques carrières blanches, dans une contrée vallonnée au paysage arboré verdoyant. La route est en parfait état, le macadam granuleux, la signalisation à peine usée.
Nous arrivons finalement au village d’Impaputo en moins d’une heure.
Nous sommes sur le route qui mène à la frontière avec le Swaziland et l’Afrique du Sud, respectivement à 7 et 20 km à vol d’oiseau, 45 km par la route à l’Ouest de Maputo.
La République des enfants - En route
Nous voilà de retour dans le village de Impaputo pour finir les premières séquences du film.
Nous avons pris la route plus tard que Bob, mais le chemin est assez simple, EN2, Boane, EN5, c’est bien indiqué. Au départ du CCFM, nous faisons les même détours que Bob pour éviter les éventuels policiers pas gentils avec les automobilistes.
A six heures du matin, il fait encore nuit mais avant d’arriver sur Boane, la campagne environnante se découvre d’une légère brume qui monte du sol. Les couleurs sont magnifiques, les verts profonds de mille nuances du paysage vallonné se heurtent aux rouges de la terre et caressent les bleus orangés du ciel nouveau.
Nous revenons sur le dernier décor de la journée d’hier, pour un plan d’effets spéciaux, les parents de Fatima reçoivent les balles en pleine poitrine et s’effondrent.
On aurait préféré un lieu plus sympathique pour un dimanche matin six heures. La bonne nouvelle c’est qu’après ce soir nous ne reviendront plus dans cette menuiserie déprimante.
Il fait froid, des nuages lourds et gris envahissent le ciel, quelques gouttes sont déjà tombées. Chacun a sorti ses vêtements de pluie, je passe une veste polaire, le parasol de la roulante fait office de parapluie, nous tournons en effet à l’extérieur, sur le terrain vague devant la menuiserie. Au moins le soleil ne créera-t-il pas de problème d’ombre de perche !
C’est une journée de figuration qui nous attend. Peu de texte mais de jolis sons à enregistrer. Le décor ne s’y prête malheureusement guère. La circulation sur l’EN2 est continue et intense.
La République des enfants – Pique-Nique
Vous connaissez maintenant le timing, lever 5h15, petit déjeuner 5h30, départ du Centre Culturel à 6h00. Bob nous a précédés, pas grave, nous allons retrouver la piste des plages.
Nous tournons à Chiango, une immense plaine envahie, il y a peu encore, par les eaux du delta du fleuve Nkomati.
Après 25 de Setembro, Marginal, voilà cette piste infernale aussi agitée qu’une promenade à dos de chameau.
Nous dépassons la mangrove de la deuxième semaine, traversons le village de pêcheurs de la troisième.
Il y a peu de monde à cette heure-ci mais la piste de sable me fait craindre l’enlisement, j’évite les coups de frein intempestifs et les accélérations inutiles en prenant soin de rester dans les traces, je n’ai pas fait le Paris-Dakar et j’ai l’impression que notre Toyota Noah, bien qu’il existe un modèle qui le soit, n’est pas du tout quatre roues motrices, tant la direction avant flotte.
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