10. Entorse

Maputo - EN2

Maputo – EN2

Ça va mieux, la nuit a été bénéfique, les bactéries sont parties.

Nous quittons le Centre Culturel vers huit heures, direction l’Ouest, pour le décor de l’entrepôt, un lieu important du film où les enfants de la République construisent les véhicules qui serviront à leur carnaval. Nous y irons plusieurs fois tout au long du tournage.

Nous passons en bas du bidon-ville d’hier, sur Avenida Organizaçao des Nacoes Unidas, au bout de Avenida 25 de Setembro. Bob, en fin connaisseur, fait un léger détour par le bas, le long du port, pour éviter les flics qu’il sait être souvent au début de 25 Septembre, et délaisse 24 Juillet toujours embouteillée.

Bien qu’en pleine heure de pointe, nous sommes assez rapidement sur le décor, quelques deux kilomètres plus loin que la veille.

Surprise, mais en est-ce une vraiment après ce que nous avons vécu hier, l’entrepôt, une menuiserie en fait, est situé le long de la principale sortie de Maputo, la route EN2 à 2×2 voies qui mène vers le Sud, le Nord ou l’Ouest. Un passage obligé en quelque sorte pour qui veut sortir de la ville. Voilà qui une fois de plus ne va pas arranger les affaires du son.

Quemo, le maître de cérémonie, vient demander à Bia, l’une des cinq enfants soldats qui ont rejoint la ville, de bien vouloir accueillir les hôtes d’honneur de leur fête. Quelques lignes de texte, pendant que l’atelier est en pleine effervescence, qui à peindre, qui à clouter, qui à assembler, qui à décorer. Les chars de carnaval qu’ils fabriquent sont des tanks (jeu de mots, jeu de sémantique ?)  miniatures en polystyrène, carton et papier mâché, les couleurs sont vives, des roses, des violets, des jaunes, des oranges.

La menuiserie est aménagée avec de nombreuses machines outil, l’endroit est sale, poussiéreux, de la sciure partout, il est dangereux, des clous, des bouts de bois brut, des planches, autant d’obstacles à se blesser, le sol est irrégulier, des trous, des bosses, l’espace entre les machines est exigu. Le décor est intégralement ouvert sur l’extérieur, autant dire que la circulation est fortement audible. Le montage sera bien obligé de faire avec, pour les raccords de fond, je place le stéréo dans la cour arrière.

La République des enfants – 59 / 2 t2 – perche et HF au centre, stéréo MS décodé L&R

Une fois de plus, la caméra se met à plat, face à la scène, en plan large, la lumière, dont la préparation prend un temps fou,  est composée de face, deux projecteurs croisés très hauts (au plafond), et le 18 K, calqué, au loin pour faire le niveau. J’ai équipé de micro HF les deux enfants, je ne serai pas à moins de deux mètres au dessus d’eux. Pour éviter au mieux les faisceaux lumineux, je grimpe sur une machine outils, et tente de placer le micro au dessus des acteurs. Deux belles ombres traversent le cadre, je les dissimule dans les lignes du décor et les objets de l’arrière plan, en passant de Quemo à Bia avec suffisamment de lenteur pour qu’elles ne se remarquent pas. Qui regardera bien l’image verra nettement ces deux ombres de perche sur toute la scène. Sur le plateau, personne ne semblent les avoir signalées, ouf, en tout cas je n’ai rien entendu de tel, je suis concentré sur le texte dans mon système d’écoutes personnel, le lieu est si bruyant qu’on n’entend pas à deux mètres.

Pourtant, il y en a du monde devant le combo. Flora bien évidemment, Ana notre chère scripte qui s’occupent non seulement des raccords mais conseille aussi Flora sur la mise en scène et le scénario, Guilherme qui se concentre sur le jeux des enfants, Angela qui étudie ses mises en place, Paulo qui surveille le rendu de sa lumière, Abigail qui vérifie celui du maquillage, Suleimane l’ombre de Flora, Inês qui s’occupe du combo. Des gens experts qui sont capables d’analyser une image. Je ne m’en fais donc pas trop pour ces ombres, si eux ne les ont pas vues, qui les verra ?

Nous faisons un champ et contrechamp en plan moyen sur chacun, puis quelques plans des enfants constructeurs. Vu le fond ambiant tout sera à rebruiter.

La République des enfants - Danny et Pierre

La République des enfants – Danny et Pierre

En fin de matinée, la pauvre Inês se tord la cheville sur un des nombreux obstacles qui jonchent les passages. Il ne faut jamais courir sur un plateau, même quand votre supérieur vous demande de faire vite.

Elle a l’air au plus mal, des larmes de douleur coulent sur son visage pâli, visiblement, cela semble assez grave. Pour un bandage provisoire, je lui file un de nos rouleaux de Coheban qui sert à placer les émetteurs HF sur les jambes. La régie l’emmène à l’hôpital pour des radios et soins indispensables. Nous finirons la journée sans elle.

A la reprise, Danny arrive pour tourner  le début de la scène, ou la fin. Enfin je ne sais plus trop,  il y a de longues discussions entre Flora, Guilherme, Angela et Ana pour savoir où placer cette intervention de Dubem qui il faut l’avouer arrive un peu comme un cheveu sur la soupe.

En tout cas, Ana, dans sa numérotation, respecte l’ordre du scénario.

Dubem ramène Aymar à l’atelier, Chico, le maître de chantier, active le mouvement. En se retirant discrètement, laissant les enfants à leur propre destin, Dubem a visiblement de plus en plus de difficulté à se déplacer.

Il n’y a aucun doute que Danny a parfaitement étudié l’évolution de son personnage tout au long de l’histoire et il offre ainsi à chaque scène une nouvelle facette du personnage.

Si Bruno a quelque peu de mal à comprendre le mouvement que Flora, avec beaucoup de patience, voudrait lui voir faire, Maurice est par contre assez dynamique dans cette scène.

La République des enfants – 59 / 5 t3 – perche et HF au centre, stéréo MS décodé L&R

La journée se termine sur deux plans sans texte, où seule la circulation de l’EN2 se fait entendre. Nous laissons pour un autre jour l’autre scène prévu en stand-by sur la feuille de service.

Les nouvelles de Inês ne sont pas très heureuses, il semble que sa cheville soit sérieusement atteinte, nous la croisons dans le hall de l’hôtel avec bandage et béquilles, un sourire crispé  illumine son visage, mais demain nous aurons probablement un autre assistant caméra sur le plateau.

En début de soirée, le Centre Culturel nous offre un joli feu d’artifices. Heureusement ça ne dure pas longtemps, car demain nous reprenons de bonne heure.

Maputo - Feu d'artifices au CCFM

Maputo – Feu d’artifices au CCFM

 
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