11. Le coup de la panne

Maputo - Hôpital Central

Maputo – Hôpital Central

Rendez-vous ce matin à l’Hôpital Central de Maputo, en plein centre ville. Il suffit de rejoindre 24 de Julho, continuer pour aller vers l’Est sur Avenida Eduardo Mondlane, une très large avenue à 2×2 voies et double contre-allées, faire le tour par Salvador Allende et franchir la monumentale entrée sur Agostinho Neto. Un petit quart d’heure et nous sommes vers 7h00 au pied de bâtiments certes un peu vieillis, mais dignes de n’importe quel hôpital français.

Le matériel est assez rapidement sorti de la voiture, nous devons monter au troisième étage, l’étage du bloc opératoire. Heureusement il y a deux ascenseurs.

La machinerie et l’électricité ont déjà monté leurs affaires, la caméra est en cours dans l’un d’eux. Nous prenons celui de gauche. Les deux roulantes, les deux perches sur leur pied, le stéréo, le kit-cool, les sièges, voilà tout rentre dans la cabine, nous compris, nous n’avons rien oublié, il n’est pas question d’avoir à redescendre dans la précipitation.

La porte intérieur a quelque mal à se fermer, nous l’y aidons un peu, nous arrivons au 3ème étage. La porte s’entrouvre et se bloque, on appuie sur le bouton de fermeture, elle se referme, nous redescendons au 1er sous-sol d’où nous étions partis. La porte s’ouvrant cette fois-ci normalement,  nous décidons de remonter.

Arrivés à nouveau au 3ème, la porte reste définitivement bloquée, et l’ascenseur ne veut plus bouger. Nous voilà bien ! Nous tapons, pas plus affolés que ça, la régie nous entend, quelques échanges à travers le métal, ils tentent d’appeler l’ascenseur du bas, du haut, rien n’y fait. Yardena contacte les services techniques de l’hôpital, on est samedi, l’attente risque d’être longue.

Nous avons les sièges, Pierre déplie le sien, prend un livre dans son sac personnel, comme quoi cela sert de l’avoir toujours sur soi. Pendant ce temps, je m’occupe de la mise en route des appareils, initialisation de l’horloge mère et des boîtiers Time Code, allumage du Cantar et formatage du DVD-Ram, contrôle des piles et des HF, installation et test des micros sur les perches, préparation des écoutes. Au bout d’un quart d’heure, je n’ai plus rien à faire, nous sommes prêts à tourner… mais toujours dans l’ascenseur !

Encore un bon quart d’heure et nous percevons des bruits de manœuvre au dessus de nous, puis très doucement la cabine commence à monter. Probablement est-elle  hissée à la manivelle. Encore cinq minutes, la porte grince sous l’action des leviers, nous apercevons le palier du 4ème à hauteur de genoux, la cabine n’est pas montée assez. Je n’aime pas ça, pour peu que la cabine redémarre au moment où nous allons franchir le passage, on se retrouve coupé en deux ! Prudents, nous commençons par vider tout le matériel par cette ouverture, puis Pierre se précipite au dehors avec l’aide énergique de Chissano. Je fais de même en plus vif.

Il nous faut redescendre tout le matériel d’un étage, Chissano, Arsénio et la solide Yardena donnent un coup de main. Quelle aventure ! Rétrospectivement ça nous fait sourire, mais au bout d’un certain temps, on commence à échafauder les pires hypothèses. Et si la cabine tombait, et si on manquait d’air, et si un feu se déclarait …

Nous arrivons sur le plateau, une salle d’opération aménagée par la déco. La lumière n’est pas prête, la caméra commence à s’installer, on avait le temps ! Je vais à la table régie me remettre de ces émotions.

J’ai toujours un mauvais sentiment lorsqu’on annonce une scène dans un bloc opératoire. Il y a souvent des appareils bruyants (respirateur, moniteurs biométriques divers), le scialytique qui vient au milieu est une véritable peste, d’autant plus que les chefs opérateurs ont la mauvaise habitude de le mettre à hauteur de tête, bien plus bas que dans la réalité, pour avoir beaucoup fréquenté ces endroits sur la table, je peux en témoigner,  empêchant tout placement de micro correct. Enfin, il y fait chaud, alors que dans un bloc, il fait toujours très froid (pour des questions micro-biologiques).

7h00 sur place, première prise à 10h00. Comme prévu, il fait une chaleur intenable à cause des lumières et le manque d’air.

Le pauvre Toni a reçu une balle dans le ventre, il est étendu inconscient sur la table, Nuta en blouse de chirurgien, finit de le bander, Dubem rentre par la porte du fond, elle est curieuse cette salle d’opération, il y a des portes partout, et entame avec la jeune fille une conversation sur le futur, cela finit par réveiller le blessé.

Le plan est large, les appareils ronronnent et soufflent, dans ce silence de mort même le sifflement de la RED s’entend. Le scialytique est juste au dessus des têtes, la lumière dans l’axe projette loin ses ombres, Paulo a beau mettre un drapeau en tête, celui ne sert à rien, une fois de plus les visages sont éclairés avec les même sources que l’ambiance du décor. Je me retrouve haut, nettement plus haut que la limite du cadre, avec peu de liberté de mouvement, impossible d’aller chercher Dubem au fond, pas plus que Nuta faisant le tour de la table d’opération pour s’assoir à côté de lui,  de plus la scène est chuchotée.

La République des enfants – 39 / 1 t3 – perche et micro d’appoint au centre

Pour l’entrée du vieil homme, je place sur un chariot d’instruments chirurgicaux un micro qui va servir juste pour la moitié de la première réplique dans le déplacement, Pierre enchaine les deux parfaitement. Même avec ce bruit de fond, j’aime beaucoup la largeur sonore du plan . Par prudence nous faisons un son seul des premières répliques de Nuta et Dubem. Ça ne raccorde pas du tout.

La République des enfants – 039 / 1 w2 – perche au centre

Un plan sur chacun, plus ou moins serré,  la lumière étant ce qu’elle est, j’ai du mal à correctement me placer. Pour bien faire, il aurait fallu être deux, un en dessous pour Nuta, un au dessus pour Dubem.

En prenant ce parti pris de résonance sur fond de souffles d’appareils, la scène acquiert un sorte de gravité et de confidentialité très prenante parce que cela incite à tendre plus l’oreille.

Après le repas, qui consiste pour ma part en riz blanc et coca dégazé, je sens encore quelques bactéries actives, nous revenons un peu en arrière dans l’histoire. Nuta s’apprête à opérer Toni, quand Aymar entre-ouvre la double-porte, visiblement à la recherche d’un lieu pour se soulager. Interpellé, il feint l’erreur et disparaît.  Il faudra neuf prises au petit Bruno pour satisfaire à la fois Guilherme et Flora. Il faut dire que la réplique est déjà difficile à prononcer, et que son second degré de comédie, particulièrement subtile à interpréter,  échappe totalement à l’enfant.

La République des enfants – 31 / 2 t9 – perche au centre

Contre champ sur Nuta un peu moins laborieux. Melanie a un peu trop tendance à poser, bien qu’elle dit parfaitement le texte, son expression est toujours trop souriante.

La fin de la scène est le moment où Nuta commence à éprouver de l’affection pour Toni qu’elle couve de ses regards affectifs tout en se montrant ferme dans son rôle de docteur. Toni finit par s’endormir quand une jeune infirmière lui injecte l’anesthésie. La nonchalance de Stephen, son côté mou et docile, s’accorde bien au rôle de Toni.

La République des enfants – 31 / 3 t4 – perche au centre

Dans ce décor si calme, on se rend compte à quel point la RED, tant qu’elle n’est pas en enregistrement, est bruyante, sa ventilation est insupportable pendant les répétitions, il est impossible de pouvoir analyser les éventuelles sources sonores gênantes que l’on ne découvrira qu’à la première prise. Et quand pour une raison ou une autre, le « Fan off on record » est désactivé, alors la prise devient carrément inutilisable.

Champ et contrechamp en plan moyen et la journée s’achève enfin, il est 18h00 !

Immobilisé toute la journée, l’ascenseur a finalement été réparé, un moment d’appréhension en montant dedans, nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier. Cette nuit, tous les camions, minibus caméra compris, restent sur place, gardiennés, nous rentrons donc seuls jusqu’au Centre Culturel, mon premier trajet sans poisson-pilote.

 
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