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24. Les fruits du Potemkine

La République des enfants - Place du Palais

La République des enfants – Place du Palais

Depuis plusieurs jours, Flora évoquait l’idée d’une avalanche de fruits dévalant le grand escalier du Palais. Une allusion évidente au film d’Eisenstein, greffé du symbolisme d’une corne d’abondance qui se tarit.

Une idée en l’air qui deviendra défi puis réalité.

Mais revenons avant tout au début de la journée, continuation laborieuse des plans de la foule fuyant la ville sur la grande place au pied du Palais.

En ce dimanche matin, la Place de l’Indépendance, faisant face à l’Hôtel de Ville de Maputo, est à nouveau totalement bloquée pour les besoins du tournage.

Nous avons 80 figurants, des enfants, des adultes, des vieillards, des femmes portant bébé dans le dos, quelques charrettes et animaux, deux ou trois voitures ou minibus, c’est une Afrique moderne et traditionnelle, riche et pauvre qui se côtoie dans la panique, une foule qu’Angela, Dino et Cossa vont faire courir, tomber, pleurer, crier tout au long de cette matinée.

26. Pharmacie

La République des enfants - Circulation sur EN1

La République des enfants – Circulation sur EN1

Difficile d’être motivé après une  nuit de fièvre et de vertiges. Je prends la route  à reculons si je puis dire.

Au cours du trajet, nous apercevons une voiture blanche littéralement enroulée autour d’un arbre, en plein village.

C’est le premier accident que je vois dans ce pays et celui-là a dû être terrible.

Entre les minibus ou camions qui débouchent sans prévenir, les voitures qui doublent à des vitesses incroyables entre deux files, obligeant à se rabattre d’urgence sur le bas-côté, je suis surpris de ne pas en avoir vu plus.

Malgré ma forte envie d’arriver vite pour repartir encore plus vite, je lève un peu le pied et redouble de vigilance. Nous sommes partis un peu après Bob et avec la voiture puissante que la production nous a louée, je pourrais être tenté d’appuyer un peu trop, d’autant plus que nous ne  transportons plus une bonne partie du matériel.

27. Admission dans la République

Attention, ce chapitre contient des images susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes, de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des moins de 12 ans.

En conséquence, veuillez activer  le contrôle parental de votre ordinateur.

Ça tombe bien, aujourd’hui nous avons tous les enfants du tournage, les soldats et les républicains, dont la petite Sarah, six ans, le jeune Bruno, à peine huit ans, Maurice, onze ans. Le spectacle qu’on leur impose est pour le moins choquant.

30. Un dimanche de folie

La République des enfants -  Chapelle Infulene

La République des enfants – Chapelle

Nous sommes dimanche, ça roule un peu mieux qu’en semaine.

Comme nous n’avons pas besoin de beaucoup de temps de préparation avant le PAT (prêt à tourner, heure officielle du début du tournage), nous sommes partis une demi heure plus tard.

Nous tournons à l’extérieur, à quelques pas de la route EN1, devant la chapelle de l’hôpital. Ce dimanche tout le quartier est donc là à chanter les louanges du Seigneur. Il avait été dit à la régie que cela devait se terminer vers huit heures, ils sont matinaux ici les offices, de fait cela finira vers dix heures.

Après la mise à sac de la pharmacie, Mon de Ferro est sur la terrasse d’un bâtiment d’où il s’amuse à jeter les boîtes de médicaments qu’il a pillées dans les armoires de celle-ci. Arrivent alors au pied de celui-ci Chico et Nuta. Cette dernière s’inquiète pour Toni et est dépitée d’assister au gâchis de tous ces médicaments si utiles à la République des Enfants.

31. Confrontation et départ

Si la semaine dernière nous avons tant compté les jours dans ce décor insupportable de l’hôpital psychiatrique de Infulene, c’est que nous avions vraiment l’impression de faire du téléfilm dans un décor unique avec des scènes guère captivantes au rythme d’un long métrage qui se permet des heures d’attente interminable pas vraiment justifiées.

Compte tenu que plusieurs scènes ont été biffées du plan de travail, il nous reste à tourner ici en deux jours une unique mais longue séquence extérieure dans une cour de l’hôpital.

Celle-ci aurait bien pu être tournée n’importe où, dans un endroit calme, loin de toute circulation et en particulier de cette route EN1, car d’hôpital nous ne voyons que des murs où un panneau hospital vient rappeler que nous sommes toujours dans ce décor.

Mais voilà, on l’aura compris depuis longtemps, certains n’ont que faire du son du film et ne se rendent guère compte qu’il sera difficile de post-synchroniser des enfants, particulièrement avec un budget de post-production extrêmement réduit si ce n’est inexistant.

Nous n’étions pas venus pour cela mais nous en avons pris notre parti. A trop attendre d’un film, on est toujours déçu. Sur un plateau, les vrais bonheurs sont ceux que l’on n’attend pas particulièrement .

33. Chiango bloody Chiango

La République des enfants - Savane et USM 69

La République des enfants – Savane et USM 69

C’est ainsi que la feuille de service qualifie ce retour à Chiango.

Mais pour ma part, après huit jours de route EN1 et d’asile de fous, reprendre la piste de Chiango pour retourner sur le décor de la savane est un véritable plaisir.

Descendre Samora Machel, tourner à gauche sur 25 de Setembro, parcourir tout Marginal sur Costa do Sol, continuer tout droit pour prendre la piste, passer le village des pêcheurs puis le second hameau, nous voilà arrivés après la zone de tourbière et le petit canal.

À l’entrée du village des pêcheurs, un goulot d’étranglement ne laisse place qu’à un seul véhicule, le camion électro est bloqué là au milieu du chemin, enlisé profondément dans le sable.

Les bas-côtés sont totalement creusés, meubles, mais c’est la seule alternative possible. Un 4 x 4 y passe avant nous sans difficulté.

Je suis moins téméraire. Je fais marche arrière pour laisser la place aux véhicules qui arriveraient et nous réfléchissons à la meilleure façon de franchir cet obstacle avec notre Toyota Noah qui n’est pas tout terrain. Il faut prendre un maximum d’élan, foncer aussi vite que possible bien droit pour ne pas risquer de planter le train avant. Pierre descend pour écarter la foule déjà nombreuse à cette heure pourtant matinale.

34. Deux poids, deux mesures

La République des enfants - Mains dans les poches

La République des enfants – Mains dans les poches

Les jours se suivent et ne se ressemblent vraiment pas. Hier, le grand air, la savane, le soleil malgré un vent frais, le calme de la campagne. Les vacances en quelque sorte.

Aujourd’hui, la grisaille, le béton, la saleté, le froid hivernal, le bruit.

Nous voilà à nouveau dans un de ces décors incompréhensibles auxquels les repérages nous ont si bien habitués, surtout depuis Infulene. Il ne faut pas chercher à comprendre, ne cesse de répéter Pierre, mais comprendre pourquoi nous sommes là, c’est aussi comprendre le mode de fonctionnement des personnes qui choisissent les lieux.

Cela peut influencer les rapports que nous entretenons avec eux, permettre de mieux saisir leurs points de vue, s’accorder avec leur façon de penser et de travailler. Vous me direz, après six semaines de tournage, c’est un peu tard ! Et vous auriez raison, nous n’avons plus grand chose à attendre.

35. Le grand carnaval

La République des enfants - Flora

La République des enfants – Flora

Nous n’allons pas très loin ce matin, au croisement de Rua do Bagamoyo et de Rua da Mesquita, dans le bas quartier portugais que nous avions visité plusieurs fois. Il est six heures trente.

À peine avons-nous tourné à droite en bas de Samora Machel pour s’engager sur 25 de Setembro que deux flics en costume blanc, donc de la circulation, nous arrêtent. Exactement là où nous nous étions faits alpaguer avec Antonio lors de notre première sortie à la plage.

Décidément il faut absolument éviter cette partie de l’avenue, voilà pourquoi Bob préfère effectuer un détour en passant plus bas le long du port.

Passeport, permis français non valable ici, c’est mal engagé, c’est soit mille meticais qui s’envolent, soit le poste.

38. Casa Nuta

La République des enfants - Vacances à Mafalala

La République des enfants – Vacances à Mafalala

La journée entière est prévue dans la maison Nuta.

Ça tombe bien car dehors il fait beau, pas trop chaud, juste la bonne température.

C’est une journée vraiment agréable, où l’on aurait qu’une envie, celle de s’assoir à l’ombre des arbres, tirer quelques verres de bière de la jarre dans le coin de la cour, laisser le temps passer tout seul et surtout ne pas travailler.

D’ailleurs, alors que Ernest, Camal et Paulo triment comme des fous pour tenter de désensabler le groupe électrogène, les têtes pensantes du film donnent l’exemple au reste de l’équipe, attendre et ne rien faire.

J’ai l’impression que ce groupe-là a l’air assez expert en la matière, n’est-ce pas, on dirait qu’ils sont là dans leur élément naturel.

39. Les enfants de Mafalala

La République des enfants - Patrick et Joachim

La République des enfants – Patrick et Joachim

Hier nous étions rapidement rentrés à l’hôtel pour profiter au plus vite d’un repos réparateur car ce matin nous commençons à l’aube, enfin presque, à sept heures.

C’était sans compter les préparatifs de la fête de l’Indépendance sur la place du même nom au pied de l’hôtel. Je ne sais pourquoi les ouvriers sont toujours en train de taper du marteau, décidément leurs échafaudages paraissent bien complexes à monter.

Le pire sont les gars de la sono qui se sont mis en tête de faire leur balance des volumes la nuit et, jusqu’à une heure du matin, ce fut techno et rock à fond d’ampli.

Comme les vitres de l’hôtel sont plus que légères, non doublées, le niveau sonore dans les chambres était quasiment équivalent à celui d’une boîte de nuit. J’ai donc passé la nuit sur un matelas de fortune installé dans la salle de bain, avec la double porte, j’ai enfin pu dormir quelques heures.

40. Indépendance Nationale

Maputo - Vive l'Indépendance Nationale

Maputo – Vive l’Indépendance Nationale

Je ne sais pas si c’est par défi, inconscience, aveuglement, irrespect ou mépris que la production portugaise a décidé de tourner le jour du 35ème Anniversaire de l’Indépendance Nationale de son ancienne colonie, le Mozambique.

Cette nuit fut celle qui précède la tempête car nous avons été prévenus qu’il y aura de la musique et des festivités jusqu’à l’aube de la suivante.

Officiellement, le son est convoqué ce matin à dix heures. La veille Angela nous a spécifié que les premiers plans seront muets car tournés sur la plage avec un quad, si bien qu’elle nous a gentiment accordé grasse matinée jusqu’à midi.

À neuf heures du matin, je suis appelé en urgence par Yardena car la voiture, toujours stationnée Rua da Radio alors que les camions sont déjà partis, doit quitter les lieux. Elle me conseille de la garer sur le parking du Rovuma et elle me laisse là à me débrouiller tout seul avec les milliers de flics qui bouclent le quartier.

42. That’s a wrap

La République des enfants - Flora, Pierre, João, Abigail

La République des enfants – Flora, Pierre, João, Abigail

Dernier jour de tournage.

Après une bonne nuit de repos, enfin, nous nous retrouvons tous un peu après six heures du matin devant la caserne des pompiers de Maputo, sur Avenida Eduardo Mondlane, face au cimetière. Ce parking servira de base de départ pour les plans que nous avons à tourner sur la benne d’un camion de chantier.

Car dans la République des Enfants, il n’y a pas de voiture mais il y a deux camions ! Le rouge que nous avions vu lors du carnaval et qui servait de tribune, et ce bleu-là muni d’un haut parleur qui sert de véhicule d’alerte.

Ce second camion est une antiquité comparé à l’autre, la benne est en partie rouillée, il y a encore du sable dans les recoins, la carrosserie brinqueballe de tous côtés, le moteur est en piteux état avec une boîte de vitesses défectueuse qui ne dépasse pas la seconde.

Cela a son importance car nous avons à filmer sur cette benne un courte scène de texte.